Mémoires d’un gros mytho by François Rollin

Mémoires d’un gros mytho by François Rollin

Auteur:François Rollin [Rollin, François]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Hugo Desinge
Publié: 2022-06-03T00:00:00+00:00


En sorte que – je le dis sans imposer à quiconque de partager mon point de vue –, j’ai la sensation tenace d’avoir été, ce dimanche-là, mal reçu.

Gérard Depardieu

La première fois que ce Colosse du Cinéma, qui, à mes yeux, compte parmi les sept merveilles du monde moderne comme le Colosse de Rhodes parmi les sept merveilles du monde antique… la première fois que cet homme m’a adressé directement et personnellement la parole, c’était pendant le tournage de Combien tu m’aimes ? de Bertrand Blier, et c’était pour me poser en rigolant une question qui ne figurait pas dans les dialogues du film :

« Tu bandes, toi, gamin ? T’as du bol, moi je bande plus ! »

J’étais d’autant plus flatté que je n’avais qu’un tout petit… rôle dans ce film, à l’ombre du susnommé Colosse, de l’adorable Bernard Campan, de la sublime Monica Bellucci, du bel Édouard Baer, et de l’irrésistible Jean-Pierre Darroussin.

Il m’était apparu, pendant ces vacances-là (car tous les tournages, sans exception, ressemblent à des vacances, à la seule différence qu’on est payé, et même très bien payé, pour celles-ci), qu’un courant de sympathie très électrique avait surgi entre le « Jean-Claude » des Valseuses et moi-même. Je n’ai donc pas été surpris, quelque treize ans plus tard, de recevoir une invitation à dîner… dans son hacienda de Palerme, puis non, plutôt dans son pied-à-terre de Saint-Pétersbourg, et puis, contrordre, dans sa gentilhommière de Tenerife, et finalement dans son château de Sisteron.

Sisteron, ça m’allait bien, car ce nom faisait remonter un souvenir d’adolescent ébloui, lorsque j’avais entendu un chansonnier – je crois bien que c’était Robert Rocca – chanter ces deux alexandrins richement rimés que ma mémoire, désormais défaillante, restitue ainsi :

« Je me demande à quel spectacle assisteront

Les spectateurs ravis ce soir à Sisteron. »

Me voici donc à Sisteron… sa citadelle, son pont sur la Durance (à ne pas confondre avec Le Pont sur la Drina, d’Ivo Andric, prix Nobel 1961), son église Notre-Dame-des-Pommiers, et son château de Sainte-Félicité, résidence de « Cyrano » et d’« Obélix » alternativement, les mardis et vendredis d’avril.

Première surprise : le château de Sainte-Félicité n’a de château que le nom. C’est même par dérision que l’ancien propriétaire avait baptisé ainsi sa maison Phénix standard, posée comme un cheveu sur la soupe au bord de la départementale 4085. Parallélépipède de plain-pied, fenêtres coulissantes en PVC, quatre-vingts mètres carrés de surface au sol, jardin de cinquante-cinq mètres carrés clos de thuyas rachitiques provocants à force d’insignifiance. Au fronton du château, c’est-à-dire sur le linteau en ciment de la porte d’entrée, pendouille une pancarte de guingois, dont les années et les hivers trop rudes n’ont conservé qu’une trace énigmatique du gag d’origine : « CH TEAU DE SAIN E-F LICI ».

Ces considérations architecturales ne m’embarrassent nullement, car mon cœur est trop occupé à bondir de joie à la perspective d’un gueuleton de légende chez un fin gourmet notoire, perspective si réjouissante que j’ai pris soin de ne rien manger à midi, afin de faire don à mon Gargantua de Gérard d’un appétit décuplé.



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